La presse en parle
< Retour aux actualitésMagiciens des papilles
Elle partage son temps entre Paris et Londres. Troquant une semaine sur deux le piano de son restaurant parisien contre celui de l'hôtel Connaught, dont elle régale les hôtes depuis six ans avec ses recettes landaises. Un emploi du temps serré, entrecoupé de temps à autre par des invitations à cuisiner à New York, Pékin ou Dubaï. Des « pop up », comme elle les appelle. Hélène Darroze fait partie du petit club des grands chefs qui font ravonner la cuisine francaise à l'étranger. Non seulement depuis leur fief tricolore, mais aussi en terre
étrangère. «Je n'ai jamais \raiment eu l'ambition de sillonner le monde. A chaque fois, on est venu me chercher.
Pour moi, c'est surtout une autre manière de vivre ma passion en me remettant en question. »
Une démarche qui n'est pas sans risque. A Moscou, où un nouvel établissement ouvert en 2012 lui avait confié sa carte, l'aventure n'a pas duré. « En dépit de son aura, notre art de vivre ne peut pas d'exporter partout, constate Hélène Darroze. Chez eux, les Russes n'aiment pas être dérangés dans leurs habitudes. Aucun grand chef francais n'a jamais percé durablement dans ce pays.".
De fait, en dehors des monstres de la gastronomie comme Alain Ducassc ou Joël Robuchon, la promotion du pavillon francais est souvent assurée par des chefs totalement expatriés. Et que le grand public tricolore ne connaît pas forcément. New York compte quelques beaux spécimens, dont Eric Ripert, Jean-Georges Yongerichten ou Daniel Boulud. Patron du restaurant Le Bernardin, le premier est une véritable star outre-Atlantique. Il anime sa propre émission de télévision et participe régulièrement au jury des équivalents américains de notre «Top Chef». Quant à Daniel Boulud, il est à la tête
d'un petit empire, essaimant ses établissements de Las Vegas à Palm Beach, en passant par Miami.
La réputation de la gastronomie francaise doit aussi beaucoup à ses produits et au savoir-faire de ses producteurs. Les plus audacieux, à l'instar d'Ariane Daguin, ont aussi fait le choix de l'expatriation. A la tète de la marque D'Artagnan, cette fille d'un chef étoilé fabrique aujourd'hui ses foies gras avec des canards du New Jersey. Mais la majorité des producteurs frenchies creusent surtout le sillon de l'exportation. Parmi eux, le charcutier basque Pierre Oleiza a réussi à s'imposer grâce à son jambon kintoa, considéré notamment au Japon comme un produit d'exception.
Ces promoteurs du terroir francais sont les fers de lance de notre commerce international. Non seulement parce qu'en dix ans, la part de ces produits gourmets dans nos ventes agroalimentaires
à l'étranger est passée de 8 à 16%, pour un chiffre d"affaires estimé à 7 milliards d'euros ; mais aussi parce qu'ils entraînent toute la filière. Et participent donc activement à son excédent commercial
(9,7 milliards d'euros entre juillet '2012 et juin '2013).
LE GOÛT FRANÇAIS PLÉBISCITE
II en va de même pour une autre catégorie d'artisans: les boulangers, pâtissiers et autres chocolatiers. Pourtant, en dépit des réussites des virtuoses comme Pierre Hermé ou Jean-Paul Hévin, la référence à la France n'est pas un gage de succès assuré. « Beaucoup font un petit tour et puis s'en vont" souligne Fric Kaiser. La vraie difficulté, c'est durer.» ...
• STEFANO LUPIERI