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< Retour aux actualitésVallée des Aldudes : le renouveau d'une zone rurale
Depuis le milieu du XIXe siècle, le nombre d'habitants de la vallée des Aldudes a été divisé par six. Le monde s'est urbanisé, l'agriculture a perdu de son poids dans l'économie. Les gens sont partis ailleurs, aux Amériques, à Paris, sur la côte...
Rien de bien original, Banca, Urepel et Les Aldudes, les trois villages de la vallée, ont connu le même sort que l'ensemble de la ruralité de l'Hexagone et même européenne. En outre, il faut environ 1 h 15 pour aller de Bayonne à Banca, la vallée ne se trouve pas près des grands axes routiers et pour tout dire ne possède aucune grande infrastructure de transports alors que le monde globalisé exige que marchandises et personnes puissent se déplacer le plus rapidement possible. A l'heure où la décentralisation fait la part belle aux métropoles, qui concentrent l'activité économique et les populations, au moment où le redécoupage des cantons se fait là aussi au détriment du monde rural, la vallée des Aldudes fait mieux que résister et son dynamisme en fait un exemple pour de nombreux territoires ruraux. Un dynamisme qui se concrétise par de nombreux projets économiques dont les porteurs, comme les élus, sont convancus de leur réalisme. Il n'y a guère que les banquiers qui ont parfois un train de retard. "Ce qui se fait dans la vallée des Aldudes montre qu'il n'y a pas de fatalité au déclin du monde rural et qu'on peut faire autrement que tout concentrer dans les métropoles. ça va contre la logique du toujours plus grand, toujours plus gros." Les mots sont de Ximun carrere, responsable de la SCIC Aldudarrak Bideo (Kanaldude). L'homme connaît bien la vallée puisqu'avant de s'installer à Saint Martin d'Arrossa, son entreprise de production vidéo (à l'époque l'association Aldudarrak) était installée aux Aldudes. 'Nous y avons été de 1996 à 2007. Le dynamisme de cette vallée nous a incontestablement aidés dans le démarrage."
L'année dernière, Kanaldude a réalisé et animé un plateau participatif organisé dans le cadre des onzièmes portes ouvertes de la vallée des Aldudes et qui avait pour thème "Les Aldudes en 2030". Un travail de prospection qui, à l'initiative de l'Association des commerçants, artisans, agriculteurs de la vallée des Aldudes (ACVA), a réuni les habitants sous la houlette des trois maires. Un travail "passionnant" selon les participants. L'exemple, selon Ximun Carrere, qu'"avec de la réflexion et en écoutant les gens, on peut faire autrement".
Montrant du doigt un drapeau planté sur un petit sommet, Pierre Oteiza se réjouit : "ce sont des jeunes qui l'ont mis là. Après le travail réalisé avec "Les Aldudes 2030", ils n'ont pas voulu que ça s'arrête là et ils ont continué à se réunir".
Eleveur de porcs, charcutier, restaurateur, traiteur et homme d'affaires avisé, l'homme a plus que sa part dans le renouveau de la vallée, de Londres à Hong Kong en passant par le Japon et Paris, il en est devenu l'ambassadeur.
La montagne basque au Japon
Tout a commencé il y a une vingtaine d'années, au Salon de l'agriculture, quand il croise la route de ces fameux porcs basques qu'on ne trouve plus à l'époque que dans la région de Tarbes et en Charente. Il décide alors de réintroduire la race au Pays Basque et crée une nouvelle ligne de charcuterie. Avec un credo : l'ensemble de la filière doit être local, élevage, transformation, séchage, les charcuteries à base de porc basque se feront intégralement dans la vallée. Pour se démarquer des lauburu et autres pilotari qui ornent les produits censés venir du Pays Basque, il a l'idée d'utiliser le paysage de sa vallée comme logo pour ses produits vendus dans le monde entier et qui contribuent à la renommée de la vallée.
Homme de réseaux, P. Oteiza s'associe avec des confrères pour monter le séchoir à jambons des Aldudes. Commerçant intuitif, il installe au bord de la route sa "maternité" de porcs basques, et crée un circuit touristique à travers les parcs d'engraissement. Des touristes qu'il reçoit également dans un restaurant où tout ce qui est servi est produit au Pays Basque, contribuant ainsi à l'économie du pays. Le tout enchante les touristes comme ce groupe de jeunes retraités croisés dans les parcs à engraissement en cette belle journée d'octobre. Venus de Camargues, ils sont venus dans la vallée pour voir les fameux porcs. Après avoir déjeuné aux Aldudes, ils achèteront fromage et autres produits locaux avant, assurent-ils, d'aller "faire le plein à la cave coopérative d'Iouléguy". Car Pierre Oteiza comme Michel Oçafrain, président de la filière porc basque, sont persuadés que leur activité est complémentaire du tourisme, un tourisme qu'ils souhaitent "différent".
Une filière en attire une autre
Pour que la flière se développe, Pierre Oteiza comprend qu'il ne peut être seul. Il accepte alors de créer sa propre concurrence et depuis, de nombreux paysans et charcutiers ont rejoint la filère porc basque qui, si tout va bien, dévrait bientôt obtenir son AOP.
Son président, M. Oçafrain, maire de Banca, fait aussi partie des agriculteurs ayant créé la coopérative Belaun. Une coopérative montée par des paysans pour qui "c'est un moyen de motiver les jeunes de la vallée et de leur prouver que l'agriculture de montagne est encore possible".
Un objectif partagé par la Coopérative laitière du Pays Basque (CLPB). Celle-ci a été créée par des producteurs de lait de brebis lassés de devoir sans cesse ferrailler avec les industriels de la transformation sur le prix du lait et voulant s'assurer un revenu décent. La coopérative, contre toute attente et sous l'oeil sceptique des observateurs économiques, décide de s'installer aux Aldudes. Mais ce qui apparaît comme un pari risqué ne l'est pas tant que ça : outre le soutien de la communauté de communes Garazi-Baigorri qui, sous la houtlette de Jean Michel Galant, a misé sur un développement économique équilibré sur son territoir, la CLPB peut compter sur les réseaux locaux.
Les banquiers sont frileux
Ainsi, M. Oçafrain et P. Oteiza ont imaginé implanter à proximité de la coopérative laitière des parcs à engraissement de porc pour permettre d'écouler le petit-lait à peu de frais. Bien que revu à la baisse en raison de l'hostilité de certains riverains, le projet devrait voir le jour en début d'année prochaine. Un projet qui s'inscrit dans le cadre du programme Leader Montagne basque dans lequel habitants et entreprises de la vallée sont très impliqués. Pour assurer sa pérennité, la CLPB développe aussi de nouveaux projets comme celui de production d'un beurre "basque" et de crème fraîche.
Ces nouvelles productions et le dynamisme de la vallée attirent d'autres investisseurs. Ainsi, Thierry Bamas, le pâtissier-glacier multirécompensé, souhaite ouvrir une unité de production aux Aldudes. Lui aussi a le souci de faire vivre le pays et de valoriser le travail de ses habitants. Seul hic, les financeurs hésitent. "Ils tiquent parce que c'est à une heure de la côte", explique le pâtissier. Du coup, il doit travailler à "redimmmensionner" son projet initial.
Pourtant, alors que le débat sur la marque territoriale Pays Basque dure depuis des années, c'est bien une marque "Aldudes" qui est en train de se développer, une marque synonyme de qualité et de garantie d'une production locale.
Le cercle vertueux s'est enclenché dans la vallée. Des emplois sont créés, des gens s'installent, ce qui amènera des besoins (écoles, commerces, médecins...) qui créeront d'autres emplois. Un exemple observé de près, et pas seulement dans la montagne basque.